Céréales Le blues des producteurs malgré l'abondance
L'été pourri avait fait craindre le pire : finalement, les récoltes de céréales s'en tirent plutôt bien, notamment le maïs proche du record, mais les agriculteurs vont le payer par des cours à la baisse.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Selon FranceAgriMer, « 60 % des blés récoltés sont de qualité panifiable » d'après les tests effectués sur 73 % de la récolte. Cette fourchette doit être relativisée puisque les tests de qualité pour la meunerie n'ont été réalisés que sur les blés franchissant le seuil contractuel de 170 secondes pour le temps de chute (qui mesure les qualités boulangères) - soit 65 % des blés analysés. Heureusement les rendements sont bons avec une moisson en blé tendre estimée à 37,4 millions de tonnes (+ 1,5 % en un an), susceptible d'être révisée à la hausse dans les deux prochains mois et une année proche du record attendue en maïs à plus de 17 millions de tonnes, selon l'association des producteurs (Agpm).
« C'est une année très compliquée », a reconnu le président de la filière Céréales de FranceAgriMer Rémi Haquin : présentant le bilan mensuel mercredi il a rappelé comment, « jusqu'au 9 juillet », il ne voyait que des bonnes nouvelles pour le secteur, après un hiver doux, juste humide et sans gel... Juste avant que ne se multiplient les anomalies météo, entre excès d'humidité persistante et températures sous les normales qui ont favorisé le maïs mais dégradé les blés au moment des moissons.
Pour Rémi Haquin, il n'y pas de risque de pénurie pour la meunerie française « qui saura faire » avec les grains proposés, quitte à mélanger les variétés et les lots. Mais c'est « un travail technique qui va coûter aux producteurs », annonce-t-il déjà.
Moindre qualité
D'autant que les quantités estimées pour les marchés extérieurs sont elles aussi en baisse : FranceAgriMer réserve à ce stade 16,1 millions de tonnes de blé tendre, dont 8 millions seulement à destination des pays tiers (hors Europe) contre plus de 12 millions en 2013 - année exceptionnelle.
« C'est sûr qu'on ne va pas réitérer les volumes inhabituels de l'an dernier », insiste Olivia Le Lamer, chef de l'unité Grandes cultures de FranceAgriMer. Entre un taux de protéines moyen de 11,1 % (stable par rapport à l'an dernier), un taux d'humidité de 13,8 % en moyenne (jusqu'à 15,5 dans les régions les plus impactées dans l'Est) et un dernier critère technique sur « la force boulangère », 46 % des blés sont relégués en classe 3 - contre 20 % seulement en classe 1. L'an dernier, la classe 1 concernait plus de 20 millions de tonnes contre 7,5 millions cette année. Or en classe 3, les blés ne servent qu'au fourrage ou à l'éthanol. Soit « pour le producteur une décote de 30 à 40 euros par tonne », confirme Rémi Haquin.
La bonne tenue quantitative de la récolte risque donc d'être insuffisante pour maintenir le revenu des agriculteurs, selon les experts. La crainte est partagée chez les producteurs de maïs : paradoxalement, les bons chiffres ne les réjouissent pas tant ils s'inscrivent dans un contexte d'abondance mondiale. « A 144 euros la tonne (sur Euronext mardi), le prix payé au producteur plafonne à 110 euros une fois ôtées les charges diverses dont celle du séchage », détaille le président de l'Agpm Christophe Terrain.
De plus, les primes de la nouvelle politique agricole européenne, réformée l'hiver dernier, ont été revues à la baisse en moyenne de 9 % et jusqu'à 15 % par rapport à l'ancienne Pac. Pour Christophe Terrain, « on va vers des marges légèrement inférieures à celles de 2013, déjà proches de zéro. Beaucoup d'exploitations avaient clôturé l'an passé des comptes catastrophiques » dus aux mauvaises récoltes. Le ministère américain de l'Agriculture (Usda), qui doit publier jeudi son rapport mensuel sur l'offre et la demande mondiales, ne risque pas de le rassurer : tous les observateurs parient sur une révision à la hausse de l'offre.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :